2 Décembre 2009

Publié par FMarmotte5

II. Ce qui s’est dit. La Marque. Le « Dit » de la Sylve d’Emeraude.

La nuit s’étire quand les dernières braises d’un feu de camp crépitent au centre de la clairière. Les yeux se ferment, les voix se font murmures et chuchotements.

-« Je crois Yorik que nous attendrons que le soleil soit au zénith pour entendre tes révélations » articule Mano aux oreilles du Maître du Temps.

-« Mmmm…plus tard……plus tard ! »

Yorik s’éloigne et rejoint le couvert d’un grand chêne centenaire. Quelques oiseaux traversent le ciel d’une aube rouge.

Les ombres s’estompent quand des rayons de feu dardent la foule immense. Ça et là une légère agitation se perçoit dans les allées de ce campement insolite. C’est à l’heure d’une sieste devenue inutile que Yorik se hisse sur la Table de pierre.

-«Salut Grande Assemblée.

J'imagine que ces quelques heures de repos ont un tant soit peu apaisé vos cœurs tourmentés. Je suis petit mais j’arrive à me faufiler partout, souvent dans les fêtes chez les humains avec un bon déguisement je passe inaperçu, vous savez que je n’ai pas de chez moi, je roule, je navigue, vais chez l’un, chez l’autre. Parfois je dors dans le plus profond du bois, une simple grotte est un palais pour moi. Sur les marges de la Sylve, j’ai souvent entendu des bruits, des ronflements comme si un animal énorme inconnu de nos contrées se mettait à rugir.

Mano, toi tu n’entends rien, tu es perché sur tes sommets de rocaille loin du monde, où même le vent ne te dérange plus, tes pieds lourds ne te guident que rarement vers nos sols tendres et pleins de l’humus de nos arbres.

Vous devez toutes et tous le savoir : j’ai croisé « La Marque », le signe immonde de la bête sur un arbre décapité de frais.

Une fois sur le flanc ouest de notre domaine, j’ai suivi longtemps les traces sinueuses d’un gros serpent qui avançait sans ondulé,.Son ventre criblé de marques similaires à la rune Othalaz , avec les chevrons agressifs de la cupidité et de la propriété foncière avait tracé une ornière sur des centaines de lieux. J’ai marché longtemps, puis un vrai bourbier m’a empêché de continuer.

Islandine, bien que peu loquace ose enfin un mot

- « Pendant tout le printemps, les eaux étaient sombres et porteuses de sédiments comme lorsque la montagne s’écroule, je n’avais pourtant pas entendu le tonnerre de la terre qui tremble. »

-« Une forte odeur de pourriture malsaine flotte autour des campements, des mousses aux teintes suspectes grimpent aux troncs des arbres sentinelles. » rajoute Inlandir.

-« On en sais pas encore assez, mais lors d’une de mes sorties chez les hommes, un jour de la Saint-Jean où l’humeur est à la liesse, ils n’avaient même pas allumé le Feu, les familles marchaient dans le village en se tenant par la main, le visage blafard, sans sourire, les enfants semblaient les plus touchés. Leurs petits yeux étaient enfoncés dans leurs orbites, et malgré mes facéties déguisé en pitre sur les tréteaux d’un saltimbanque de passage nul rire ni sourire sur leur visage, pas même une larme quand le Gitan au grand cœur leur a conté sa dernière histoire à faire peur. »

-« Yorik, tu t’inquiètes pour les humains, laisse les à leurs affaires, que nous importe s’ils rient ou s’il pleurent, jusque là ils n’ont jamais été d’un grand secours quand nous étions dans la difficulté. Moi Islandine ne daignerai jamais aller faire l’amuseur devant ces être si fourbes et si vils.»

Manosthéralitaf fut obligé de modéré l’humeur d’Islandine, il savait par habitude le ressentiment des Elfes envers les hommes depuis qu’ils sont confinés près des sources et des ruisseaux sans pouvoir jamais voir le soleil.

-« Suffit Islandine, les Hommes sont nos alliés aussi, et ils sont tous là aujourd’hui autour de la Grande Table à nous témoigner leur solidarité, n’as-tu pas entendu les ‘Chant de la Terre issu de leurs entrailles ?»

Yorik ne tenait plus en place, il a entendu tellement de chose et vu tant de misère depuis le début de ces malheurs.

-« Il y a pire que leurs sourires et leurs larmes, le Gitan m’a confié qu’il ne rêvait plus et s’il n’avait pas eu le soutien de son peuple, des femmes, des enfants, de la musique, des guitares endiablées au rythme des milles mains de son peuple éternel, il m’a dit qu’il serait mort depuis plus de douze septades. Et c’est un peu dans l’espoir de me rencontrer qu’il est venu à la Saint-Jean du Ronan, il pense que si nous ne faisons rien entre le solstice d’été et celui d’hiver, le printemps prochain pourrait s’avèré fatal pour tous »

-« Ne soit pas pessimiste comme cela Yorik, regarde le ciel comme il est bleu, regarde nos amis de la forêt sont là en très grand nombre. Les chefs de clan ont chanté dans une harmonie parfaite, crois moi, comme je m’appelle Islandir, la vie renaîtra du chaos. »

Mano balaya l’assemblée des animaux d’un regard profond, mais avant d’avoir fait le tour de tous museaux et becs il s’écrie :

-« Où est Renard, personne ne l’a prévenu ? »

-« ça fait bientôt plus de deux lunaisons qu’il n’est pas venu boire à la grotte » rajouta Islandine, pas bien sûre de son information.

-« C’est bien là le vrai problème » repris Yorik

-« Le sommeil de Renard.

Il ne se réveille pas depuis le printemps, ce n’est pas une marmotte quand même, et la mise bas, renarde devrait déjà être à la chasse pour nourrir sa portée.

J’ai voulu en savoir plus sur les hommes quand chacun est rentré chez soi. Comme par hasard bien avant minuit, même dans les tavernes, il n’y avait personne, pas de bruit, pas de cervoise qui coule à flot. L’aubergiste était même étonné que je lui commande une bière rousse fraîche et moussante comme je les aime. »

Se dressant sur ses pieds il regarde la foule assemblée puis d’une geste désigne un homme discret accoudé aux tréteaux vers les tonneaux d’hydromel sylvestre, les jarres de terre cuite de chouchen, les pichets remplis à ras bord de sapinette.

-« Aubergiste ! Raconte... »

#Le "Dit" de la Sylve d'Emeraude, conte.