III Intermède des origines. Divagation alphabétique. Le « Dit » de la Sylve d’Emeraude.
-« Les runes ? » questionne Manosthéralitaf le Maître de la Pierre.
- « Je n’ai rien à dire sur les runes ! »
-« Comment veux-tu rassembler, bêtes et hommes, nains, trolles, elfes, fées, gnomes et génies si tu ne nous dis pas tout sur les runes. » reprend Islandine.
-« Ceux qui sont là sauront en garder le secret, pas tant de mystères Mano. » lui conseille Yorik.
-« Soit, mais je ne suis pas le détenteur unique des ces signes, ma science me vient du cœur et surtout de mon grand age. »
« Déjà, alors que je me tenais perché sur les bords du cratère d’un volcan ancien, j’ai vu les lignes d’un rouge de braise s’écrire sur une terre vierge. Lorsque les premiers animaux se sont mis à ramper sur les plages neuves et stériles, leurs pas, leurs ondulations ont donné un sens à leurs mouvements. Les carcasses de baleines, les carapaces de tortue ont parlé bien avant nous. Les eaux se sont écoulées sur nos roches tendres ou dures, les acides ont gravé sur les coquilles les plus lisses, spirales, balafres et rayures. Le vent a griffé de ses ongles acérés les falaises et les parois de marbre. Même les plus petits, vers , unicellulaires ont marqué de leurs galeries, bois écorces et sédiments.
La rune est avant l’écriture, je vous dirai même que la forme est avant la rune. Ce que les hommes pensent avoir inventé par leur soi disant intelligence existe bien avant que leurs yeux l’ai perçu.
La rune est sens primordial, elle est concept. Je ne vous ferai pas un cours pour apprendre à les lire ni à les écrire, car la rune est multiple. Selon que vous êtes de la Pierre, du Bois, de l’Eau, des grottes, de l’Air, la rune ne parle qu’à vous. Si vous avez besoin de vos mains pour écrire, qu’importe l’outil : marteau, calame, stylet, plume, bille, charbon de bois, chalumeau, encre, gouache, peintures et collages sortis de vos imaginations, la rune était là bien avant que vous puissiez formuler le mot. La lettre unique est philosophie et morale, concept ou dialectique, silence et verbiages, prière ou commandement, supplique, ode, poème, loi, dialogue, hiéroglyphe, caractère ou idéogramme, discours, sermon ou chant, murmure et mots d’amour.
La rune est. »
Après une courte pause, le Maître de la Pierre reprend :
-« Les elfes en sont les gardiens avares. On en voit parfois reproduites sur d’anciens parchemins. Ce ne sont que des fac-simile, la vraie rune se cache, seul un œil averti par un cœur pur la distingue dans les entrelacs de la forêt.
Une rune est un mot et quand elle est dite, elle est l’origine des choses. Elle est création, c’est pourquoi, les elfes gardent secrètement les runes anciennes, En réalité les runes sont gardiennes de la Sylve avec « l’Amour Vrai ».
Les runes et « l’Amour Vrai » sont liés par des sortilèges connus des petits peuples de la forêt. Généreux, en voyant les difficultés premières des hommes pour arriver à survivre, ils ont livré leurs connaissances millénaires sans arrières pensées. Depuis, après de nombreuses trahisons, ils ont appris à se méfier, à se faire invisibles. Petit à petit les légendes de nos contes insinuent que des êtres maléfiques hantent la profondeur des bois, les gouffres, les sommets arides.
Le sens des runes
Pour vous initiez à l’Art des Runes sans trahir le peuple des bois, je peux vous parler des runes associées à nos personnages et à notre histoire.
Lagoz la rune de l’eau, rune de Islandir
Raido la rune du cheval et de la chevauchée dans les ténèbres, c’est la rune de Yorik
Pertho la rune du hasard et de la divination comme le P de Pierre c’est la rune de Manosthéralitaf.
Othalaz règne souvent chez les Hommes, rune de la perfidie, de la propriété foncière et de la cupidité.
Tiwaz : la flèche.
Elhaz : la fourchette ou l’ambivalence, la langue du serpent.
Naudiz en forme de croix pour la servitude et la détresse.
Uruz et sa forme de montagne désigne l’énergie vitale et première.
Vamaz en forme de vallée pour la fertilité, la femme et le principe créateur.
Associées, elles donnent naissance à une idée nouvelle.
Comme un animal fétiche ou totémique la rune donne le ton et le caractère de la personne qui la choisit. Mais c’est plutôt la rune qui choisit son être, son destin est pour ainsi dire tracé, et selon ses choix et ses capacités il participe à la création du monde comme aux premiers jours quand les roches, les plantes et les animaux ont été nommé pour prendre leur place dans la Sylve d’Emeraude. Sous la bannière des couleurs, les grands mouvements des êtres et des choses tel un arc en ciel vibrant, la vie de chaque être croît et décroît, cycle après cycle au rythme des lunes et des années solaires aux jours qui grandissent, quand ils se font si courts que le temps pour traverser la forêt n’est plus suffisant. »
-« Tout est dit » lance Yorik.
-« Et pourtant nous sommes ignares ! » grogne l’Aubergiste.
-« Eau, pierre, vie et mort, fertilité. » rappelle Inlandir. « Nous trouverons peut être une solution pour retrouver « l’Amour vrai » la Parisette de nos contes d’enfant et le songe du sommeil de Renard. »
-« Les runes bien placées vont sauver la forêt » conclue le Gitan.
Une explosion de hourras, d’applaudissements, de vivats et d’espoirs parcourent l’Assemblée.