John Katzenbach : « Une histoire de fous ».
J’ai fait
des injections d’une solution huileuse d’Equanil intramusculaire. J’ai fait du Valium I.V. J’ai posé sur prescription des bracelets de contention. J’ai tourné des heures avec un camion de pompier
à la recherche d’une fugueuse hystérique perdue dans un bois la nuit. J’ai écouté muet, les délires d’un schizophrène en phase aigue en attendant la venue du médecin de garde. J’ai verrouillé des
portes, composé des codes sur des pavés numériques d’ascenseurs, de portes de sortie, de portails d’entrée. J’ai branché des perfusions d’anxiolytiques, programmer les nutri-pompes vétustes d’un
hôpital local en faillite. Nettoyer les selles d’un catatonique sénile. Ecraser les somnifères à l’intention d’un E.V.C (état végétatif chronique) pour les passer à la seringue de gavage dans une
jéjunostomie. J’ai aspiré des canules, enfiler des sondes naso-gastriques pour vider un estomac du poison létal qu’il contenait. J’ai amplifié en résille une peau prélevée au « rasoir de
Lagrot » en vue d’une greffe. Je n’ai jamais tourné le dos en faisant l’injection retard de Perphénazine du psychopathe en chambre d’isolement qui avait noyé sa mère dans le bassin de la ferme. Un
thanatopracteur déprimé m’a fait tenir son sabre cardiaque dans une morgue surchauffée pendant la canicule. J’ai aidé un chirurgien à recoudre des plaies faites au cutter. Recueilli des urines
nauséabondes et bien évidement septiques (s) pour les cantiner à des fins d’analyses à la demande d’un interne tout aussi sceptique (sc). Qui n’a pas été manipulé par un bipolaire sous Prozac au
point de ne plus savoir qui a oublié de prendre son lithium ? Entendu craquer un fémur sur une table orthopédique et senti la chair grillée par le bistouri électrique sous la lumière
blafarde du scialytique.
Fermer les paupières d’un mort est un acte doux en quelque sorte.
Je croyais tout savoir, être aller aux frontières de la folie, pauvre de moi, je n’avais pas lu le roman de John Katzenbach : « Une histoire de fous ».
Le frisson n’est plus de mise quand le récit débute sur un mur. Le verrou est scellé, le « clac » sec d’une nuit sans promesse ferme le dortoir surpeuplé. A la frontière indéterminée entre l’investigation policière et l’introspection analytique, ce roman est « borderline » comme les univers carcéraux et les « hôpitaux spécialisés » pour être ainsi politiquement correct en délaissant le mot asile. Mais pourquoi je vous raconte tout ça, au-delà des mots, la glace et le noir sont au rendez vous, plus froids et plus sombres qu’une table de dissection dans un laboratoire d’anatomo-pathologie. Finalement je n’ai jamais rien connu d’aussi tranchant que la langue affûtée et concise et le fil du récit de Katzenbach depuis le scalpel de mon patron sur une voie d’abord particulièrement délicate.
Si encore le fou de cette histoire était au singulier !
A lire :au choix sur la plage enduit de crème solaire , en garde à vue à l'ombre pour une nuit blanche, mais jamais.... jamais avec l'intention de s'endormir avec le roman qui vous tombe des mains!