L’analyste. John Katzenbach.Thriller.
Encore une étiquette : thriller. Le mot est faible pour parler de ce roman.
Je croyais être déjà allé marcher dans la fange et la lie de la nature humaine : j’avais lu la « Divine Comédie » de Dante et en particulier l’Enfer. J’ai tenu la main des mourants pendant près de 30 ans.
Sans Béatrice encore, le « Paradis » n’est pas à la portée d’un ado de 16 ans, en classe de seconde, le bouquin était calé sur mes genoux sous le bureau pendant un cours de philo. Pas discret : épaisseur 6.3 centimètres. Le prof n’a rien trouvé de mieux à faire que de me le confisquer. Et pourtant ça aurait un peu élargi ses étroits commentaires sur Kant et Descartes.
C’est avec Amertume tel un nouveau Virgile que je reviens à la découverte des Cercles de l’Enfer. Je l’ai envoyé se perdre sur les sentiers tortueux des Feytas. En parlant de ce bouquin il me lance le défi d’une « chasse au trésor » digne de ses plus belles pages d’« Infamies ». Auto-analyse des années d’amnésie, on a tous de sombres recoins avec un cadavre dans le placard.
-« Quel étaient tes jeux quand tu étais enfant ? »
La question n’est pas aussi éloignée du sujet que vous croyez, revenons-y.
L’univers du Dr.Frederick Starks, 53 ans, psychanalyste est réglé comme du papier à musique.
« Il était fidèle à une régularité à la limite du rituel, et certainement proche de l’obsession. Placer son existence quotidienne sous le signe de la raison était indispensable pour essayer de comprendre quelque chose à l’agitation et au chaos que ses patients lui décrivaient jour après jour ».
On tourne la page :
« Pendant la journée vous ne fermez pas votre porte. Vous faites la même promenade à pied, du lundi au vendredi .Le week-end, vous êtes merveilleusement prévisible, y compris le dimanche matin quand vous allez chercher votre Times, avec un bagel à l’oignon et un café -deux sucres, pas de lait - au coffee-shop à la mode situé à deux rues de chez vous ».
On se dit qu’on va s’ennuyer à Manhattan.
Il ne faut pas 3 pages à John Katzenbach pour injecter sueurs froides, frissons, mains moites, tachycardie, angoisse et tremblements au nouvel Ulysse que devient le pauvre lecteur qui ose tourner la page quatre comme on ouvre la porte des ténèbres de l’âme humaine.
En chute libre jusqu’au point de non-retour, en apnée jusqu’au fond d’une fosse abyssale.
Même Freud dont le portrait orne le bureau de Ricky n’a rien prévu à la seconde où une vie entière bascule dans l’irrationnel, alors pensez bien, Descartes ?