Une odyssée américaine. Jim Harrison
Je ne pêche pas. La petite rivière de La Verne scintille au soleil, quelques éphémères vont et viennent d’une berge à l’autre. Un reflet doré dans l’eau, une truite fario ou arc-en-ciel est en chasse sous une souche. Le murmure de l’eau est cristallin.
Je viens de terminer « Une odyssée américaine ».
L’arrivée du dernier livre du Jim Harrison à la bibliothèque municipale de mon village, c’est un peu comme de déguster une choucroute garnie dans un kebab de Bagdad.
L’auteur de Dalva écrit comme il cuisine, il conte comme il mange : bien, très bien. Il aime le vin, les femmes et la pêche.
Moriarty et Jack Kerouac ont sillonné les routes de l’Amérique comme de jeunes chiens sans cervelle. Cliff dans ce nouveau Harrison décide de parcourir les Etats de l’Union d’une manière systématique suite à une rupture. Rupture de valeurs puisque sa femme est « d’affaires » et vend la ferme dont elle est propriétaire. Un vieux puzzle des états est son fil d’Ariane .Je ne suis pas sûr qu’il ait adopté la bonne stratégie, entre Motels, Highways, rivières, bars, les souvenirs reviennent avec un brin de nostalgie. On ne peut pas parler de biographie, mais en filigrane les vieux démons de Jim Harrison pointent leur nez. Les Indiens dont la terre a été usurpée, le progrès idiot, la malbouffe, l’inconstance des femmes, du moins de celles qu’il rencontre. Démocrate, il ne reconnait parfois plus son pays : Irak, Internet, téléphone portable, 4x4 gourmandes et inutiles. Agriculteur, quand il rencontre un autre paysan, il parle du cours de la viande et des céréales, des races de vaches, du temps. Les Légendes seront toujours d’Automne dans son projet de rebaptiser les Etats chacun du nom d’une tribu Indienne. Un retour comme la cicatrisation d’une plaie pour retrouver le jardin, un verger, les odeurs de la terre.
C’est avec appétit qu’on déguste les aventures de ce sexagénaire qui nous parle un peu mais pas trop de Thoreau, d’Emerson, de pêche à la truite et d’ornithologie.
Je n’ai pas de chien, je ne taquine pas le poisson avec la mouche, je doute de la souplesse de mon poignet pour fouetter l’air matinal d’une longueur de crin. Je partage pourtant avec ce vieux Jim un goût immodéré pour la liberté, la nature, le ciel, l’eau.
Le récit de ce voyage vers un « retour aux sources » est plein de l’autodérision nécessaire pour garder la distance suffisante avec le réel. Une dose d’humour lui confère la charge émotionnelle des grands récits comme une dose d’un bon Bourbon est gage d’une soirée réussie sur la véranda en compagnie de Lola, Mona….peut importe, il retrouve son verger et sa nature !