La Grotte Roche, Gorges de la Bourne, spéléo dans le Vercors.
Cet article ne constitue ni un topo, ni une description du parcours. En effet, peu compétent dans le domaine de la spéléologie, je la pratique accompagné de quelqu'un de formé à cette activité. Cette page est donc un partage du ressenti sur ce sujet.
Avant la Grotte Gournier proche de la très touristique Grotte de Choranche, je n'étais allé en curieux que dans la Grotte de Bange des Bauges, sur les traces de la légende et des chercheurs d'or du Chéran.
Je passe souvent pour « monter » dans le Vercors sur la D531 des Gorges de la Bourne, ce coin entre le Pont de la Goule Noire et le Pont de Valchevrière en rive gauche de la Bourne m'a toujours paru austère. Jamais éclairées par le soleil, les parois qui surplombent la route sont souvent en travaux pour des éboulements, des purges sur la paroi, posent de filets de métal.
Prendre la carte 25 000 IGN Autrans 3235 OT.
La Grotte Roche se trouve 650 mètres en amont du Pont de la Goule Noire ( là où se jette les « Pertes du Meaudret »).
L'entrée de la Grotte Roche est sous la route, on y accède par un court sentier, le porche est haut et large à une trentaine de mètres de la rivière.
Se renseigner avant sur l'accès à cette portion routière des gorges souvent fermée pour travaux, chutes de pierre, éboulements.
Il s'agit d'une grotte dite « sèche », bien que dans le cheminement on contourne par dessous une cascade et que le terminus soit un siphon au bout de 1500 mètres de développement.
Entrée : une grande salle avec des éboulis se gravit sur 28 mètres de dénivelé jusqu'au point de désobstruction de 1993 à 2008.
Là se trouve la cascade en passant bien à droite on évite de se la prendre sur la tête. Un cours passage très étroit en dévers est la partie qui a été la plus difficile pour moi. Il s'agit d'une faille verticale , après avoir enjambé à plat ventre une gros rouleau de calcaire usé par les passages, il faut se faufiler de côté ( de face, ça ne passe pas) jusqu'à une zone où l'on rampe sur du sable.
Nous atteignons une grande salle, sur la droite une rampe équipée d'une corde permet d'accéder au « Labyrinthe », nom peu engageant pour un néophyte et qui sera notre boucle de retour.
Salle de la Persévérance, déjà de grandes concrétions nous mettent dans l'ambiance, contournons une haute colonne là où stalagmite rencontre la stalactite.
Une échelle de 5 mètres est en place , la gravir puis ramper pour atteindre le clou de la sortie : le Puits de 30 mètres.
Nous ne descendons pas jusqu'au fond.
Poser une corde fixe, une vieille corde est en place ainsi que vers le bas, quelques échelons.
Il ne s'agit pas d'un vrai rappel, la pente et la largeur ne sont pas suffisantes, il faut se laisser glisser sur le 8 ou le descendeur sur 10 mètres pour atteindre la vire où se trouve vers la droite (quand on est face à la paroi) une corde fixe sur 30 mètres permet d'accéder en traversée à la dernière galerie.
Le cheminement est plus facile au bout nous passons sous une immense bloc (de la taille d'une voiture) coincé entre les deux parois.
Parfois ça peut être le bout du chemin selon le niveau de l'eau. Cette fin mars 2015, nous passons dessous pour aller au siphon proprement dit.
Deux petites vasques débitent une eau limpide et fraîche, des tests à la fluorescéine y ont été effectuées en 2012 indiquant que l'eau sort à la Goule Verte.
Petit casse croûte sur un tertre moelleux de boues intemporelles.
Éteindre sa lampe et ne voir que la nuit, n'entendre que l'écoulement de l'eau, sentir les puissances telluriques s'imposer au centre de la terre est une expérience semblable à celles perçues au sommet d'une cime perdue à « Mille miles de toute terre habitée ».
Retrouver la place fugace, éphémère et fragile de l'homme sur ou dans son biotope en équilibre.
Sur le retour, nous prenons le temps pour des photos.
Tout n'est pas que dans le grandiose et gigantesque, au plafond sur de petites assiettes, des concrétions fines et aériennes se sont formées.
Il est aussi possible d'en voir sur les parois, courts et fragiles filaments qui de loin semblent biologiques, ce sont les « excentriques ».
Longtemps on a cru que les courants d'airs étaient à l'origine de leurs formes qui défient toutes les lois de l'attraction et de la gravité.
Une hypothèse autour de bactéries a été émise, il semblerait que ce sont des nanoparticules en suspension dans l'eau de gouttes minuscules qui en éclatant au sol permettent le dépôt du CaCO3, calcite ou carbonate de calcium en de telles structures étonnantes : les excentriques.
Avant de rejoindre la vire au dessus du puits, nous allons voir une salle dite Hop !
En légère ascendance vers la droite.
La « Salle Hop ! », on retrouve le m^me humour toponymique que chez les grimpeurs de Presles.
Des formes alimentaires genre « bugnes »et de belles draperies aux transparences vaporeuses, des voiles sanguins, des drapés de nacres, chutes soyeuses pigmentées à l'oxyde de fer, un « Grand Œuvre », une alchimie naturelle construite molécules après particules sur des milliers d'années.
C'est un des points le plus haut du circuit +64 m.
Remontée quelque peu physique à la poignée sur la corde fixe pour sortir du puits.
Notre guide propose de revenir par le « Labyrinthe », je m'engage en premier, je n'aurais pas du, ensuite c'est du gruyère et il n'est plus possible de se doubler je me retrouve en plein paradoxe, celui de l’Emmental, en effet le Gruyère n'a pas de trous.
« Plus y a d’Emmental plus y a de trous,
Plus y a de trous moins y a d’Emmental,
Donc plus y a d’Emmental moins y a d’Emmental .»
Bref, je ne vous décrirais pas dans le détail, les rampés, les jurons, les doutes et les angoisses métaphysiques dans ce dédale dont le Minotaure était en moi-même.
De loin en loin si on peu tordre le cou, une flèche, une trace de lampe à carbure se dessine en haut , en bas sur le côté, devant, derrière à qui sait observer de sang-froid le boyau dont , villosités, lames, ne proposent que les reflets dubitatifs de ma propre incertitude.
Nous finissons par atteindre la corde fixe dans la salle de la Persévérance en ayant shunté l'échelle de la salle de la Colonne.
Reste pour le retour la fissure étroite en dévers, qui semble facile en revenant après les contorsions maïeuticiennes du Labyrinthe.
Gorgones et chimères, circonvolutions minérales et encéphaliques trompeuses, méduses médisantes, Sphinx trompeurs à la question ambiguë, Krakens pétrifiés tout droit sortis d'un roman de Jules Verne, je suis Axel Lidenbrock dans le Snaefellsjökull.
Passage sous la cascade pour se retrouver encore dans le noir en haut de l'immense hall de l'entrée.
Notre guide nous fait remarquer les odeurs de ce printemps naissant qui envahissent nos sens restreints à la portion congrue de l'ouïe, la vue et le toucher.
Humus, vases, bourgeons et pollens sur la note des trilles d'oiseaux quelques temps oubliés pour une symphonie du vivant.