Panorama du Vieux Chaillol 3163 mètres, Oisans Sud.
Quand je suis sorti de l'enfance, mon parrain montagnard m'avait offert ce qu'à cette époque on nommait : « un beau livre ».
C'était « Cimes et visages du Haut Dauphiné » par Félix Germain.
Des photos de l'auteur ainsi que d'autres passionnés de cette région illustrent des textes choisis, techniques, poétiques, historiques, toujours sensibles malgré la date de l'édition du 18 mars 1955 chez Arthaud, il parle des gens et des bêtes, des fleurs, du « Pays » en somme.
Il m'arrive de le ressortir et d'en lire encore quelques pages. Ma sortie au Vieux Chaillol Vendredi 28 août 2015 en a été l'occasion.
Quand j'étais plus jeune, je dépliais avec bonheur la quadruple page d'un panorama en regard d'un schéma où les noms des sommets sont indiqués avec leurs altitudes. La reliure est usée, le papier cassé aux plis si souvent sollicités.
C'est là que commence le voyage.
La grande page en noir et blanc est ouverte devant moi et porte le titre :
« Panorama de Chaillol-Le-Vieux (3.163 m ) » Versant sud de l'Oisans.
Lorsque nous descendons par Gap vers le Mercantour ou bien depuis la fermeture du tunnel du Chambon vers le Queyraz, Clarée, ou l'Oisans Est le sommet du Vieux Chaillol domine la vallée de la Durance. Sa pointe que certains ont comparée à un « Cervin » affaissé , est immaculée en hiver et des différentes palettes de l'ocre au gris en été selon la progression du soleil.
Avant je randonnais avec les cartes « Didier-Richard » au 50 000. D'anciens sentiers y sont indiqués qui ne figurent plus sur les 25 000 IGN. Le Vieux Chaillol domine un triangle sud peu fréquenté du Parc National des Écrins au sud du Valgaudemar et de la vallée de la Séveraisse qui se jette dans le Drac à La Trinité.
Départ altitude 1705 mètres, sommet 3163 mètres, soit 1458 mètres de dénivelé !
Sur le parcours aucune cabane ou refuge ou passer la nuit , histoire de raccourcir les 5 heures de montée. Il y a bien la « Cabane des Parisiens », mais située à 2700 mètres au Col de Riou Beyrou ça ne présente guère d'intérêt logistique. En effet il faut monter duvet, nourriture, un matelas de rando car la cabane n'a que des bas-flancs pour 6 personnes avec le risque de la trouver occupée par des randonneurs qui rejoignent Champoléon depuis Molines en Champsaur.
J'avais toujours trouvé ça un peu long et n'avait encore jamais envisagé de m'y lancer.
Là commence le voyage, projet ou rêve, on y pense, on laisse tomber puis un jour la météo, les conditions physiques, le temps sont réunis et naturellement les choses se font.
J'avais placé et oublié dans un tiroir de ma mémoire ce panorama de Félix Germain, c'est une fois au sommet derrière le viseur de mon appareil photo en mode panoramique que m'est revenu le tracé fin de la ligne d'horizon vers le nord avec ses mythiques sommets.
D'ouest en est de la Muzelle au Sirac en passant par l'Olan, le Râteau, la Meije, les Rouies, Les Écrins, le Pic Coolidge, Ailefroide et tant d'autres gravis on encore sur mes listes de courses à venir.
J'aime les toponymes, les noms de lieux, ils sont pour moi comme une poésie.
Un jour plus inspiré j'écrirai un « à la manière de » Louis Aragon et « Le conscrit des cent villages » publié au printemps 1943 dans La Diane française, un : « Le marcheur des cent montagnes ».
En attendant, je vous propose de lire Félix Germain.
«Il faut monter au pic de Combeynot, à deux pas du col du Lautaret, pour voir se lever d'est en ouest, les parois ravinées des sommets de l'Oisans ; gagner, facilement le sommet de Chaillol-le-Vieux, s'installer dans la pierraille éparse et, des heures durant, voir défiler contre un ciel d'un bleu méridional, à trois mille mètres et davantage, la procession fantastique, de la Roche de la Muzelle en Valsenestre à la pointe de Chanteloube au fin fond du Valgaudemar. Il faut remonter le Vénéon, la Romanche, la Séveraisse, la Gérendoine, une fois, deux fois, d'autres fois encore. Se hisser au Plaret, à la Grande Ruine ; au Dôme de la Gandolière, le plus haut belvédère de l'Oisans central. Et puis, un jour, voici que les perspectives se recoupent, que les sommets, devenus familiers, prennent au premier coup d’œil leur juste place dans le chœur immobile. Et le visage, jusque-là fermé, s'éclaire. Se laisse analyser comme un visage d'homme ouvert à la sympathie.»
Page 13
« Cimes et visages du Haut Dauphiné » par Félix Germain
Arthaud 1er trimestre 1955