Alisier torminal : "l'Arbre aux grives!"
Brassens a chanté le Chêne, Ferrat le Châtaignier, Dick Annegarn pleure avec le Saule, Yves Montand ramasse les Feuilles Mortes à la pelle, pendant que Gainsbourg s’en souvient. Maxime le Forestier et Yannick Noah ont les arbres pour armes de lutte. Wallen sur des accents de Flamenco chante l’Olivier. Le Cerisier marquera le temps d’une Révolution. Sous un titre générique ou peut aussi citer Cabrel, Chelon, Servat, les Poppys, Bécaud. Renaud nous chante l’Oranger sur une terre d’Irlande.
Qu’il soit de paix ou de vie, à chacun son arbre. Chez moi il ne sera
jamais potence ou gibet.
Nul n’a encore chanté l’Alisier. C’est Mon Arbre.
Je ne crois pas avoir tous les mots pour le décrire.
Mots de science
Alisier Torminal
Sorbus torminalis (L.) Crantz
Assez commun en France sur silice. Arbre indigène d’Europe jusqu’au Danemark, Algérie, Caucase et Syrie.
Le multiguide nature Bordas « Tous les arbres de nos forêts » A.Mitchell le dit peu fréquent dans les jardins, rare dans les Alpes.
Le mien fleurit au printemps au moment ou les agriculteurs sèment le maïs.
En mai, c’est comme un immense bouquet de fleurs blanches où très vite les abeilles réchauffées par les premiers rayons viennent butiner.
Les petites fleurs blanches de 1.2 cm de diamètre sont regroupées en petits
bouquets de 10 à 12 cm de large.
Les petits fruits obovoïdes, bruns et tachetés de rouille, qui ne dépassent pas le centimètre sont les alises.
Les feuilles de 10 à 18 cm. pourraient nous faire confondre l’alisier torminal et l’érable, elles sont lobées. En automne au moment où les fruits mûrissent elles virent vers un beau rouge profond et pourpre.
Le dôme étalé de mon arbre culmine à 20 mètres, il ne faut pas moins de 2 humains pour embrasser son tronc de 2 mètres 10 de circonférence.
Mots du cœur
Quand on arrive dans un village, en campagne, il faut du temps pour que les gens vous situent. Quand ils demandent où j’habite, l’adresse ne leur dit rien, il faut citer le nom de l’ancien propriétaire. Il m’est arrivé souvent m’entendre dire :
« Ha, là-haut à la maison Bourdat ! »
C’est longtemps plus tard que j’ai su que la maison était restée inhabitée une bonne vingtaine d’année après guerre, les derniers occupants âgés y étaient décédés. La maison renaît, mes enfants sont montés dans les arbres, y ont fait des cabanes, installés des tyroliennes.
Les vieux chasseurs racontent que « Dans le temps », il n’y avait pas de porte au garage, ils venaient se planquer là le matin très tôt, après avoir bravé les gelées et les congères quand la bise de janvier se fait piquante.
-« Il y a un bel arbre à fafiats chez toi ! »
Les "fia-fias "en patois ce sont les grives ; l’alisier torminal est aussi nommé « l’Arbre aux grives », quand il fait bien froid, les grives viennent le dépouiller de ses fruits
délicieux. Les grives, les merles et les étourneaux. Plein vent sur le plateau le tronc de mon alisier est en spirale comme si chaque hiver il s’était battu contre les éléments. Les chasseurs ne viennent plus se mettre à l’affût derrière une vieille charrette de la grange, les grives ont tout le loisir de se remplir
le gésier, personne ne viendra les déranger ni les rôtir dans un lit de raisins.
Je ne connais pas l’age de l’alisier peut-être est-il conscrit avec la maison de terre, c’est lui qui m’a fait choisir cet endroit pour y vivre.
Bien que ses branches dénudées couvertes de neige en cette saison soient comme des bras tendus vers le ciel, je sais qu’au printemps le suave parfum de ses fleurs sera un appel irrésistible pour les milliers d’insectes qui viendront y puiser le nectar d’une nouvelle saison.