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Publié par FMarmotte5

Ce roman obscur de l’écrivain Vaudois C.F.Ramuz  a fait l’objet de multiples interprétations psychanalytiques, éthiques, sociologiques. Si on situe le lieu, on est dans un huis clos, composé essentiellement d’hommes.  Le cadre d’un alpage de haute montagne pourrait semblé bucolique, mais une malédiction ancienne pèse sur l’alpage, le dénouement de l’histoire ne nous en apprend guère plus.
Après avoir regardé sur France 3 samedi 21 novembre 2009 le téléfilm Franco-Suisse, j’ai relu le livre .On ne peut pas parler de thriller, et c’est un tour de force de maintenir l’atmosphère épaisse du roman dans un cadre aussi beau.

On y trouve de grands thèmes. Le progrès face à l’obscurantisme et l’ignorance, L’amour plus fort que la haine, la liberté devant le poids des habitudes. La religion n’est ici que pour souligner la présence du mal. La question est : "Le Mal, l'origine de la peur vient-il de l'extérieur (la nature indomptée, les autres) ou bien vient-il de l'intérieur, du dedans de l'homme ( nos angoisses, notre ignorance)?"
Les formes de sa manifestation sont multiples : la cupidité, la jalousie, la colère, la haine, la rancune. Il est toujours à peine dévoilé, suggéré comme dans un roman de Giono, et c’est en cela que la sauce du suspense prend.

Les femmes dont la place est cruciale sont  la clé de cette énigme et pourtant leur présence est discrète. Loin d’une vision noire et pessimiste, Ramuz ouvre une voie qui est celle de l’espoir et de l’amour. En cela il est précurseur, bien que la Grande Peur ait été publiée en 1925, on ne peut pas ne pas y voir un avertissement face à la montée des nationalismes entre les 2 guerres. L’ambiance pourrait être celle d’un roman existentialiste comme « La peste », mais jamais le texte de Ramuz donne la nausée. Au plus profond du désespoir et du doute une petite flamme luit, une étoile scintille  dans la nuit noire.

Ramuz visionnaire, le poète de nos jours a remplacé le prophète. Le mal innommé, sous-jacent, l’autre sans nom qui prend ses racines au plus profond de nous même, la peur née de l’ignorance est-elle inévitable ? Que d’impasses ont mené à l’ostracisme, au ségrégationnisme à l’isolationnisme, aux hégémonies diverses et variées.

Comme dans la nef en perdition d’un film catastrophe, les alpagistes du roman, fromagers, montagnards sont confrontés à des choix difficiles. Le faible comme souvent dans les sociétés humaines en fera les frais.

Au-delà des ténèbres, de la mort, de la haine, la grande question de Ramuz n’est elle pas la question de l’autre ? Dans une Suisse isolée au milieu d’une Europe élargie face au déferlement des sans-papiers, des réfugiés, "La Grande Peur dans la montagne" reste une œuvre d’actualité qui dépasse le folklore d’un alpage du Valais en 1925.

Des indices  nous dévoilent la pensée de C.F. Ramuz.

La femme aimée porteuse de l’espoir de la naissance transgresse l’interdit pour rejoindre celui qu’elle aime.
Clairvoyante elle ramène la source de la malédiction et de la mort pour la traiter avec une objectivité toute  humaniste : un petite plante est à l‘origine de l’empoisonnement des vaches.

Elle ouvre le huis clos pour un avenir loin de l’ignorance du passé et du poids des traditions dans un projet : partir.

La Grande Peur dans la montagne existe en collection de poche

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Q
<br /> OK... je penserai à Derborence. Merci.<br /> <br /> <br />
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F
<br /> Atention : ça fait peur <br /> <br /> <br />
B
<br /> Vu le film, et si je ne me trompe, il a été tourné pas loin de chez "mouton"...<br /> Connaissez-vous, ou connais-tu, "Une soupe aux herbes sauvages" ?<br /> autre belle histoire de cette région...<br /> <br /> <br />
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F
<br /> Je ne sais pas où habite Mouton? vers Barcelonnette? Oui j'ai lu une "Soupe aux herbes sauvages" j'ai aussi fait de la montagne dans la vallée de la Clarée. le Briançonnais est plus lumineux que<br /> nos collines de Chambaran.<br /> La montagne est universelle : pratiques, terrasses, alpagisme, migrations, force des éléments. la Grande Peur aurait pu être tournée ou racontée, au Bhoutan, au Tibet, en Suisse, dans les Andes,<br /> dans le Mercantour , le message reste le même<br /> Merci de votre passage... de ton passage allez on se tutoie!.<br /> Pierre<br /> <br /> <br />
M
<br /> Moi j'ai lu le livre et vu le téléfilm et je préfère  le bouquin . Je l'emportais en alpage chaque année pour me faire peur,ha,ha......... (avec Derborence aussi)<br /> <br /> <br />
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F
<br /> Je n'arrive pas à garder Derborence dans ma bibliothèque un peu comme "le voyage avec un âne dans les cévennes" et "l'île au trésor", il part, il est emprunté, il ne revient pas.<br /> Et ça m'enchante,  j'aime pas la poussière sur les livres ça prouve qu'ils sont lus.<br /> Moi aussi en général je préfère les bouquins.<br /> <br /> <br />
Q
<br /> Je n'ai ni lu ni vu... donc, j'ai tout à découvrir.<br /> <br /> Il faudra que je le lise... mais peut-être pas tout de suite. <br /> <br /> Merci.<br /> <br /> <br />
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F
<br /> Avec "Derborence" un chef d'oeuvre.<br /> <br /> <br />
J
<br /> Bonsoir !<br /> Je n'ai pas lu le livre mais j'ai vu le film.<br /> Très beau film ! Et votre commentaire est excellent.<br /> J'ajouterai, si vous me le permettez, ce point. Elle était dure la vie jadis. Loin de cet idéal à la Rousseau. Dure car les conditions de vie matérielles étaient très difficiles, pauvreté,<br /> même en Suisse, lutte contre les maladies très aléatoire, etc. Mais aussi, et je dirai presque surtout, le poids énorme des croyances, des mythes, destinés à asservir les hommes.<br /> <br /> <br />
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F
<br /> Quand on est de la campagne et qu'on fait le choix d'une certaine "autarcie" les approches à la "Rousseau" sont vite mises de coté. d'ailleurs Rousseau qui a écrit l'Emile et le Contrat Social n'a<br /> t il pas abandonné ses enfants à l'Assistance publique!<br /> Penseur des Lumières aux sources de la République, comme beaucoup de politiques actuels c'est: "Faites ce que je dis et ne dites pas ce que je fais."<br /> Il y a encore beaucoup à faire! Merci de votre commentaire.<br /> <br /> <br />