Le Désert de Jean-Jacques Rousseau, Seyssinet-Pariset, Isère.
L’Isère va ouvrir « L'année Rousseau » pour fêter les 300 ans de la naissance du philosophe.
Par ici, la moindre balade, passage dans un village garde la mémoire de celui
qui participa à l'élaboration de l'Encyclopédie avec Diderot sur les questions de musique.
J'ose imaginer que cette sensibilité lui a fait aimer les endroits tranquilles
et le silence et qu'il n'avait pas besoin du dictionnaire pour faire la différence entre balade et ballade étant promeneur et musicien.
« Le plaisir d’aller dans un désert chercher de nouvelles plantes couvre
celui d’échapper à mes persécuteurs et, parvenu dans des lieux où je ne vois nulles traces d’hommes, je respire plus à mon aise comme dans un asile où leur haine ne me poursuit
plus. »
Les Rêveries du promeneur solitaire, Jean-Jacques
Rousseau.
Comme à Ermenonville, à deux pas de Grenoble, il a fréquenté un
« Désert » lors de son séjour dans la capitale des Alpes. Sur la Commune de Seyssinet-Pariset, dans le domaine des Vouillants, Rousseau venait herboriser.
Le circuit est court, les 3 kilomètres se parcourent en 1 heure, il offre de
belles vues sur la ville de Grenoble.
Le départ se situe sur la D 106 qui monte à Saint Nizier du Moucherotte et le
Vercors. Dans un virage au sortir de Seyssinet, se trouve un parking avec un petit monument. Le site se nomme le « Désert de l’Écureuil ». Des panneaux indiquent le circuit, par un
large sentier on rejoint le Pré Faure lieu de promenade des habitants de Fontaine à 2,5 Km. du Parc Karl Marx.
Revenir vers le sud où un petit canyon dans le bois monte doucement vers le
Château de Beauregard. Le lieu est clôt de murs, et comme à l'entrée d'un Paradis, des portes indiquent :
« Le Désert de Jean-Jacques Rousseau », c'est ouvert, entrez, pas de
gardien.
Carte 25 000 IGN Grenoble 3335 OT.
Le retour le long de la route prend à peine ¼ d'heure.
Ce n'est sans doute pas ici que Rousseau a fondé le mythe du « Bon
sauvage » et ce n'est pas en quelques mots que je pourrais développer ni les idées, ni les contradictions de l'auteur des « Confessions ».
Encore peut-être néophyte en botanique ? Les gens du cru en savaient plus que
lui. Rousseau a failli s'empoisonner en mangeant des baies lors de son séjour à Grenoble en juillet et août 1768. Il relate cet épisode dans « Les Rêveries du promeneur solitaire »,
voici un extrait de la Promenade VII
« Durant mon séjour à Grenoble je faisais souvent de petites
herborisations hors de la ville avec le sieur Bovier avocat de ce pays-là, non pas qu’il aimât ni sût la botanique, mais parce que s’étant fait mon garde de la manche, il se faisait, autant que
la chose étoit possible, une loi de ne pas me quitter d’un pas. Un jour nous nous promenions le long de l’Isère dans un lieu tout plein de saules épineux. Je vis sur ces arbrisseaux des fruits
mûrs j’eus la curiosité d’en goûter et, leur trouvant une petite acidité très-agréable, je me mis à manger de ces grains pour me rafraîchir ; le sieur Bovier se tenoit à côté de moi sans m’imiter
et sans rien dire. Un de ses amis survint, qui me voyant picorer ces grains me dit : eh ! monsieur, que faites-vous là ? Ignorez-vous que ce fruit empoisonne ? Ce fruit empoisonne, m’écriai-je
tout surpris. Sans doute, reprit-il, et tout le monde fait si bien cela, que personne dans le pays ne s’avise d’en goûter." Je regardai le sieur Bovier et je lui dis : "Pourquoi donc ne
m’avertissiez-vous pas ? — Ah ! monsieur me répondit-il d’un ton respectueux, je n’osais pas prendre cette liberté." Je me mis à rire de cette humilité dauphinoise, en discontinuant néanmoins ma
petite collation. J’étois persuadé, comme je le suis encore, que toute production naturelle agréable au goût ne peut être nuisible au corps ou ne l’est du moins que par son excès. Cependant
j’avoue que je m’écoutai un peu tout le reste de la journée : mais j’en fus quitte pour un peu d’inquiétude, je soupai très-bien, dormis mieux, et me levai le matin en parfaite santé, après avoir
avalé la veille quinze ou vingt grains de ce terrible Hippophage, qui empoisonne à très-petite dose, à ce que tout le monde me dit à Grenoble le lendemain. Cette aventure me parut si plaisante
que je ne me la rappelle jamais sans rire de la singulière discrétion de M. l’avocat Bovier. »
"Les Rêveries du Promeneur solitaire"
Septième promenade .
Ce mois de février 2012, je n'ai croisé que des merles qui chantaient
gaiement le retour du printemps, ils ont fait dresser l'oreille de mon petit-fils de trois mois qui s'éveille au monde.
Question herborisation, je n'ai vu que quelques baies de fragon piquant ou
« Petit-Houx » et je n'ose imaginer que c'est avec la baie de cet arbrisseau que Rousseau a failli nous priver de la fin des « Confessions », qu'il a terminé à Maubec près de Bourgoin où nous irons
bientôt.
Les "Bouffons" ne me tiendront pas querelle si je choisis un morceau de Jean Philippe Rameau pour illustrer en musique cette page.