Viriville et sa « Montagne magique » : Saint Baudille, la légende
La montagne a souvent inspiré les hommes et leurs traditions. Moïse ne
reçut-il pas le Décalogue sur le Mont Sinaï ? Uluru que les occidentaux nomment Ayers Rock est la montagne des Aborigènes. Le Mexique et son Popocatepelt , le Machu Pichu, l’Olympe, Mont
Ararat, Le Chouowen et sa masse originelle de Sumer, tant de noms évocateurs d’histoire, de voyages et de cultures, de peuples et de croyances. L’Asie n’est pas en reste avec le mont que les
Bouddhistes ne gravissent pas le Mont Kailash, jonction du Ciel et de la Terre. Le mythique Mont Meru des Indiens et le centre du monde des chinois le Mont Kouen-Louen, je pourrai citer
aussi le Mont Fuji, le Mont des Oliviers et les villes comme Jérusalem et sa montagne de Sion, Lyon et Fourvière, Rome et ses 7 collines. Pyramides,
ziggourats, obélisques en sont les pâles artefacts. Un très bon article d’Emilie Colombani dans la
revue «La Montagne et Alpinisme » traite de ce
sujet avec philosophie.
Il en est une modeste dont je veux raconter la légende. A 9 kilomètres de chez moi, un petit village, Viriville possède aussi sa « Montagne magique. ». Pas celle qui inspira Alejandro
Jodorowsky pour son film en 1974 ni Thomas Mann pour son fabuleux roman.
Le passé, l’histoire et les coutumes ont tour à tour façonné le paysage.
Au commencement, sans doute en un temps très ancien où les arbres, les sources et les monts abritaient elfes, nymphes, dieux et sylphides. Sur les flancs de la colline de Saint Baudille, jaillissait une source. Une vieille dame que j’ai soignée à l’hôpital m’en a raconté la légende, elle possédait la copie d’un texte manuscrit.
"Cette fontaine était miraculeuse, de toute la région, les femmes venaient y tremper les pieds des enfants qui avaient des difficultés à marcher : pieds bots (baudille ?), mais aussi ceux atteints de rachitisme. Les mères venaient y laver les langes de leurs enfants malades."
Depuis, des captages ont été faits, la source est tarie. Quand on monte de
Viriville à Saint Baudille par La Robinière, un peu avant le sommet sur la gauche, on peut voir une cavité qui malheureusement se rebouche avec les éboulements, des vestiges de maçonnerie
jonchent le sol.
N’en restons pas là. En des temps plus récents mais plus tragiques, un ermite las des guerres de religions, des massacres, du sang et de la haine vient installer sa retraite sur la colline.
L’ermitage de Saint Baudille lui est conféré le 31 octobre 1637.
Parlant le béarnais et ressemblant fort au roi Henri IV, il en est le fils naturel né de Jacqueline de Bueil en 1607, légitimé en 1608.
Passé pour mort à la bataille de Castelnaudary le 1 septembre 1632 où le Duc de Montmorency fut battu par les troupes de Louis XIII, notre ermite, Antoine de Bourbon, Comte de Muret entre dans les ordres et fut connu sous le nom de « Frère Jacques »
Il vécu 20 ans à Viriville avant de mourir le 24 décembre 1691 en Anjou.
Le lieu a toujours accueilli 1 ou 2 ermites jusqu’à la Révolution pendant laquelle les bâtiments furent pillés et détruits.
Un sentier reliant Saint Siméon de Bressieux à la colline de Saint Baudille est encore appelé le « Sentier de l’Ermite ». Le point culminant de Viriville 602m. est nommé : « La Croix du Frère Jacques »
Guerre de 1870
7 conscrits partent à la guerre, ils font le vœu que s’ils reviennent ils
érigeront une stèle à Marie. De retour sains et saufs, ils tiennent leur promesse et construisent un socle avec les vestiges de l’ermitage.
Cette base pyramidale reçoit en son sommet une Madone.
La guerre de 14-18 a vu la fin des rituels à la source mais le début des
processions sur la colline le dimanche afin de demander la Paix.
Jusque dans les années 50, la vieille dame m’a confié que le 15 août, les années de sècheresse un pèlerinage montait à Saint Baudille. Les gens se donnaient le mot : « Prenez votre
parapluie ! », car il n’était pas rare après les prières de revenir sous une bonne « radée ».
La colline reste un bel endroit de
promenade la vue porte jusqu’au Mont Pilat. Au pied de la colline, dans un doux vallon coule la Pérouse.
Sources : tradition orale transmise par une personne âgée
Corroborée par le très bon ouvrage de Marie-Louise Eymond-Brochier : Viriville entre Bièvre et Chambaran.