Cerf, hommes des bois, Chambaran.
Pisteurs , trappeurs, éclaireurs .
Des mots qui font rêver les enfants.
Nous venions de lire un Yakari, un grand manteau blanc recouvrait les plaines du petit indien de Derib et Job. S'il n'était pas sur la piste des castors, du loup, de la chèvre des montagnes c'était sur celle de Nanabozo.
L'après-midi était peu avancée, un rayon de soleil éclairait la neige fraîchement tombée.
Mémé toujours à l'écoute avait fait des photocopies de traces d'animaux. Pour ma part je devais relever la carte SD de mon piège photographique au fond des bois.
Tout était réuni pour une expédition dans les bois sur les traces du grand cerf. Quand il y a de la neige au sol, la chasse est interdite, ça nous promettait une virée en sécurité.
Je ne vous donnerai pas les coordonnées GPS du bois, il est devant la maison, au delà des étroubles.
Il forme un petit cirque orienté sud et n'est parcouru par aucun sentier.
Un petit ruisseau y prend sa source et plus bas une large « moille », c'est à dire une zone humide où l'eau stagne et ruisselle un peu dessine par endroit des mares où les animaux aiment venir boire.
Dans le champ les enfants ont eu vite fait de reconnaître les traces du renard qui marche bien droit un pied devant l'autre, le triangle du saut du lapin dont beaucoup de néophytes se trompent du sens de sa fuite.
En effet le lapin saute , il s'élance avec son fort train arrière , les deux larges traces latérales qu'il vient ramener en avant de ses deux petites pattes avant.
Nous approchions du bois quand au sol nous vîmes un gros tas de « laissées » (crottes du cerf) et de larges traces de deux sabots.
L'appréhension gagnait les petits cœurs de nos hommes des bois en herbe.
« Là ! pépé ! » en montrant le taillis.
« Mais il est gros, tu crois que ça ne craint rien ? »
« Main non , la journée ils se reposent et tu sais ils ont plus peur de nous que nous d'eux. »
Finalement notre petite équipe entre dans le bois en file indienne.
De larges drailles, et de part et d'autres des passages plus confidentiels. Nous arrivons vers le boîtier photo, le compteur indique qu'il est passé du "monde" , nous attend une surprise sur l'écran.
Intrépide, une petite voix lance :« Et si on descendait plus bas ? »
De nouveau des laissées, les feuilles sont remuées, des pipis foncés sur la neige, des écorces de châtaigniers et de fayards sont arrachées en lanières.
Je guide ma petite équipe vers la "moille" en restant bien au-dessus, le sol est gelé, il y a peu de risques que nous embourbions. Nous approchons une zone de feuilles grattées pas les sabots , quand soudain une branche pas comme les autres est là au sol.
C'est un bois de chute.
D'habitude le cerf élaphe perd ses bois en février, celui-ci est-il plus précoce, est ce un bois de l'an passé ? Mes deux trappeurs avancent en courant afin de découvrir le trophée. C'est la joie, faute d'avoir vu le cerf, nous avons trouvé la trace significative de son séjour dans le bois.
Tel Pierre de « Pierre et le loup », notre pisteur chef veut porter le bois, il est presque aussi grand que lui.
Ce bois mesure 72 cm, un six cors.
Nous rejoignons triomphalement maman avec la poussette du bébé sur la route. On prend des photos, on raconte l'aventure avec force détails : la trace, le bois, la mare, les bruits de branches cassées, bientôt il y aura l'ombre fugace d'une ramure, l'éclair d'un œil vif ... ?
Le brame ! Hé bien ils l'ont déjà entendu une nuit de septembre où ils sont venus dormir à la maison.