Dessine moi un Quichotte !
J’avais bu ou lu un peu d’« Alcool » avec Apollinaire, celui qui écrit dans les jets d’eau, à l’ombre d’un « Balisier de Couleurs » quand un petit bonhomme s’approche de moi et me dit :
-« Dessine moi un Quichotte. »
Pas sûr d’avoir bien entendu, le vent soufflait dans les feuilles volantes.
-« Dessine moi un Quichotte ! »
Plutôt enclin à faire une sieste pour être débarrassé au plus vite afin de plonger dans les bars ou les bras de Morphée, j’ai coupé une branche de mon fusain, j’ai dessiné ceci.
-« Ce n’est pas un Quichotte ça, c’est un Sancho." dit le petit bonhomme.
Enervé, de trois coups de crayons j’ébauche cela.
-« Voilà tu vois son casque de Mambrino. » expliquai-je au Petit-Prince, je l’avais reconnu à ses cheveux blonds ébouriffés. -« Non, tu vois bien que c’est encore un Sancho avec sa longue moustache. »
Je fis un troisième dessin.
-« C’est un cow-boy ça, et en plus, il n’a pas de cheval. Je veux un Quichotte ! »
Désespéré je lui dessinais un bonhomme sur un cheval. A la vue du dessin, je vis ma bévue et m’écriais :
-« Voici un Sancho, le Quichotte que tu veux est à coté. »
Son visage radieux s’illumina sous l’ombre d'un "Arbre à Mots" du « Balisier de Couleurs »
-« C’est tout à fait comme ça que je le voulais, les moulins tournent au fond sur les collines. »
En frottant mes yeux embrumés il disparut sans crier gare, à mes pieds un bois-constructeur sifflait en s’enfuyant dans la brousse-ail. Une forte odeur de cheval semblait portée par la brise du temps tôt du tantôt. Dans un tourbillon multicolore, mots, feuilles, teintes, formes, lignes et pensées emplirent l’atmosphère, dessus, dessous , au Nord, à l’Est, en haut, à l’Ouest, en bas, devant, derrière avant de faire place à un profond silence.
A mes côtés sur un beau-dais de papier,
Sancho pensa : « Voici l’Homme Quichuchotte dans sa manche ! »
Il a un don Quichotte : avec lui le rêve devient réalité.
Comme dans un songe éveillé les pages de mon « Alcool » se mirent à s’envoler se mêlant aux feuilles du « Balisier de Couleurs ». Ne pouvant vous décrire par le détail ce « Quichottinier » qui se dressait maintenant devant mes yeux ébaubis, je vous le dessine ne sachant s’il est digne de rejoindre "l’Arbre à Mots " qui fleurit chaque vendredi.